Explications de la Coalition contre le F-35 sur le rapport du CdF

Le 8 juillet, le Contrôle fédéral des finances (CdF) a publié son rapport sur la gestion des risques du programme Air2030. Avec cette contribution, l’Alliance contre le F-35 a rédigé une mise en perspective du contenu de ce rapport.

Le Contrôle fédéral des finances (CdF) confirme ce que tous les spécialistes savent depuis longtemps : les Etats-Unis n’ont jamais proposé à la Suisse des « prix fixes » contraignants pour l’acquisition du F-35A et encore moins des « garanties de prix », comme le prétend depuis longtemps le DDPS. Au contraire, les prix de l’offre mentionnés dans le contrat d’achat (LOA) entre la Suisse et les Etats-Unis sont uniquement des prix estimés. Personne ne sait encore à combien s’élèvera la facture américaine. En effet, le gouvernement américain n’a pas encore mené de négociations avec Lockheed Martin et Pratt & Whitney pour les lots de production 19 (2027) à 22 (2030). Si ces négociations aboutissent à des prix plus élevés que le prix estimé et mentionné dans la LOA, la Suisse devra tout de même les payer. C’est hautement probable, car nous savons par les demandes budgétaires de l’US Air Force que le prix unitaire du F-35A augmentera très fortement dans les années à venir. Le Contrôle fédéral des finances affirme sans équivoque que la Suisse doit payer dans tous les cas et que seul le droit américain est applicable : « Il n’existe pas d’assurance juridique d’un prix fixe, au sens de forfaitaire selon la jurisprudence suisse, pour l’acquisition des F-35A ». Une lettre du 7 décembre 2021, rédigée après la rédaction du contrat d’achat (LOA), règle uniquement la communication et n’a aucune valeur juridique.

De nombreuses autres conclusions du Contrôle des finances sont explosives :

  •   Selon le CdF, les coûts d’exploitation sont eux aussi « toujours présentés comme des estimations (« estimated price ») » dans les documents pertinents. Il y a de bonnes raisons de penser que les coûts d’exploitation réels seront supérieurs de plusieurs milliards de dollars à ce que Lockheed Martin prétend aujourd’hui pour promouvoir ses ventes. Le gouvernement américain ne mènera les négociations sur les coûts d’exploitation qu’à un moment donné dans le futur.
  •   Le CdF constate que 44 des 51 éléments de coûts d’exploitation ont été estimés « à lui seul » par le chef de projet et qu’au total, pas plus de quatre personnes ont participé à ces estimations. Comme de telles estimations laissent une très grande marge d’appréciation, il est évident que les plus grands doutes planent sur le résultat prétendu.
  •   Le bruit indicible du F-35A constitue un risque de coût important qui n’a pas encore été pris en compte. armasuisse confirme indirectement cette constatation en précisant que les coûts des mesures de protection contre le bruit ne font certes pas partie du « budget du programme » F-35, « mais seraient pris en charge par le DDPS » quand-même.
  •   Selon le CdF, le DDPS a identifié les risques financiers de cette affaire de plusieurs dizaines de milliards de francs uniquement sous une forme très globale et ne les a pas suffisamment détaillés. Il manque donc des mesures réellement efficaces pour minimiser ces risques.
  •   Le DDPS a engagé des membres de la Commission extraparlementaire de l’armement comme gestionnaires externes de la qualité et des risques. C’est absurde, car ces derniers sont des représentants d’intérêts personnels et directement dépendants des mandats du DDPS. Le CdF demande d’armasuisse « d’assurer une visibilité et une traçabilité de l’apport des gestionnaires externes de la qualité et des risque ».
  •   Le CdF démasque la déclaration de plausibilité du cabinet d’avocats Homburger, qui a coûté 550 000 francs, comme une pure expertise de complaisance. Selon le CdF, il n’existe aucun mandat clair, aucun procès-verbal et aucun document de contrôle, mais uniquement le document de deux pages publié, très généraliste et embellissant.
  •   Le CdF constate en outre que le DDPS a certes évalué les risques commerciaux lors de la procédure d’évaluation, mais qu’il a tout simplement omis les risques de prix constatés dans les listes ultérieures des risques liés au projet.

Le CdF n’a pas examiné de nombreuses questions importantes :

  •   Le CdF constate qu’il n’a « pas effectué d’audit financier sur les coûts du F-35A ».
  •   Il « ne s’est pas penché non plus sur la phase d’évaluation des candidats qui a mené au choix du F-35A ».
  •   Le CdF n’a pas non plus « effectué un audit informatique du projet », bien que le F-35 soit un superordinateur volant et que le seul système d’engagement aérien du F-35 dispose d’une cinquantaine d’interfaces avec d’autres systèmes ».
  •   Le CdF écrit en outre qu’il « ne dispose pas de l’expertise pour confirmer le nombre d’heures de vol planifiées ». L’hypothèse arbitraire de calculer les coûts d’exploitation du F-35A avec 20% d’heures de vol en moins que ceux de la concurrence a pourtant été déterminante pour le résultat de l’évaluation.
  •   En ce qui concerne les coûts d’exploitation, le CdF constate également que « le choix des paramètres et les chiffres retenus n’ont … pas été audités par le CdF ».

Nous attendons que ces graves lacunes soient comblées par le rapport de la Commission de Gestion CdG.

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