Les gros pollueurs du parlement

D’un point de vue de politique de sécurité, les avions de combat sont inutiles. Le fait qu’ils aient également un bilan carbone catastrophique rend l’acquisition d’autant plus discutable.
Par Magdalena Küng

Il n’y a probablement pas beaucoup de personnes qui s’opposeraient à la thèse selon laquelle une politique de sécurité durable rime avant tout avec prévention. L’acquisition de toujours plus d’armes qui incite les pays du Nord à atteindre des niveaux de performance toujours plus hauts est, malgré tout, toujours la stratégie principale. Et il n’y a pas la moindre trace d’un argument en faveur de plus de sécurité dans le monde. La Suisse participe à cette course à l’armement avec entrain en voulant acheter des avions de combat qui ne feront que rejeter davantage de CO2 dans l’atmosphère. Le fait que les avions n’aient pas le meilleur bilan carbone n’est pas une surprise en soi. Et ce n’est pas non plus à la politique de sécurité de réfléchir à d’éventuelles mesures pour réduire l’utilisation des avions dans le domaine civil. Cependant, ce n’est certainement pas non plus de son devoir d’acheter de nouveaux avions de combat, qui au lieu d’apporter une valeur ajoutée en termes de politique de sécurité, ne feraient qu’augmenter la pollution.

Aucun avantage, beaucoup de pollution
Un F/A-18 consomme environ 5000 litres de carburant par heure de vol, soit autant que ce qu’une voiture normale consommerait en faisant 2,5 fois le tour de la Terre. La voiture et le F/A-18 émettent tous deux 15 tonnes de CO2. La seule différence est qu’un avion de combat n’a encore jamais emmené une famille en vacances, transporté des marchandises ou livré du courrier, en une heure de vol. Bien sûr, il existe des alternatives qui promettent moins d’émissions de CO2 que les énergies fossiles. Mais les biocarburants qui, du moins lorsqu’ils sont obtenus de manière neutre, ne libèrent dans l’atmosphère que la quantité de CO2 qu’ils ont absorbée auparavant ne pourront pas être utilisés pour l’aviation militaire dans un avenir proche. Actuellement, les Forces aériennes sont responsables de la moitié des émissions de CO2 de l’Armée suisse. Le DDPS s’est fixé pour objectif de réduire ses émissions de 35 % d’ici à 2035, donc de passer de 240’000 tonnes de dioxyde de carbone par an à 156’000 tonnes. Cependant, aucun des quatre types d’avions de combat potentiels ne porte le label « particulièrement économique en ressources ». Il est donc très improbable que le DDPS atteigne ses objectifs. Et curieusement, lorsqu’il s’agit d’achats pour l’armée, le Parlement semble n’attacher aucune importance à l’utilisation raisonnable des ressources naturelles (et financières).

Au moins 24 milliards au total
Étant donné que la seule mission de l’armée est de protéger la population, il semble un peu étrange que les questions climatiques ne jouent presque aucun rôle. Les mesures de protection du climat sont régulièrement combattues avec acharnement et ne sont approuvées que si elles coûtent le moins possible ou si elles génèrent du profit. Mais quand il s’agit d’acheter des avions de combat, 6 milliards passent comme une lettre à la poste. La décision du Parlement n’est donc un ni investissement judicieux pour l’avenir ni pour une autre cause d’importance majeure. Il veut acheter des avions de combat qui ne servent à rien, qui polluent l’environnement et qui coûteront au moins 24 milliards sur toute leur durée de vie. En effet, il ne faudra pas oublier de les entretenir, ces gros pollueurs, une fois qu’ils seront dans les hangars.

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