Après plus de deux ans de discussions et de débats nous nous trouvons ici pour prendre une décision importante. Le lancement de deux initiatives populaires n'est pas une mince affaire, mais il y a plusieurs raisons qui devraient nous inciter à poursuivre le projet du GSsA avec ces deux initiatives. Le processus qu'a initié le GSsA au cours des années quatre-vingt, n'a pas seulement brisé le tabou de l'armée intouchable. A travers un large débat de société nous avons aussi et surtout donné une contribution formidable pour diffuser dans les têtes de beaucoup de personnes des idées et des approches radicalement différents des schémas de pensée dominants, selon lesquels, par exemple, les guerres et les armées ont toujours existé et que par conséquent elles existeront toujours. Il est vrai qu'après la votation de 1989 beaucoup de choses ont changé: il est finalement devenu possible de discuter de l'armée en Suisse sans se faire traiter tout de suite de traître de la Patrie et on ne voit vraiment plus où pourrait se trouver un ennemi qui nous menace militairement. Mais les schémas de pensée dominants n'ont pas changé pour autant. La sécurité nationale et internationale reste avant tout l'affaire des militaires. Cela on le voit bien, malgré leur opération massive de marketing qui essaie de vendre l'armée en tant qu'organisation d'aide humanitaire ou de promotion de la paix dans le monde. Même les esprits plus réformateurs dans les grands partis politiques veulent une armée certes un peu plus petite, mais tout aussi efficace et performante et surtout intégrable dans un système militaire comme l'OTAN. Pourtant nous savons que les causes des conflits nécessitent bien autre chose que les solutions qu'apportent les militaires. On le voit bien en Algérie ou en Bosnie. Ce n'est pas en militarisant des sociétés que les conflits disparaissent, bien au contraire.
Si nous parvenons à lancer ces initiatives, nous poserons une option dont devront tenir compte aussi les décideurs et leurs commissions de spécialistes. On les obligera à expliquer à quoi servent tous les milliards de francs et les millions de journées de service qu'on dépense chaque année, alors qu'il y aurait des contributions bien plus utiles et nécessaires à fournir pour faire face aux défis posés en Suisse et dans le monde par les injustices sociales croissantes, le pillage des ressources naturelles ou la globalisation néo-libérale. Si nous renonçons à poser l'option d'une Suisse démilitarisée et solidaire, il n'y aura personne d'autre pour le faire à notre place et le domaine de ce qui est pensable deviendra plus petit, pour tout le monde. Nos propositions, les solutions autres que celles de la logique dominante seront tout simplement ignorées. C'est aussi pour cela que la coordination nationale du GSsA vous propose de soutenir ces deux initiatives et de les lancer le 18 mars 1998.
Tobia Schnebli